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ABM : l’engouement mis à mal par un succès mitigé
Avec le Sales Enablement, l’Account-Based Marketing (ABM) est sans doute le concept le plus discuté dans les grands événements B2B des 5 dernières années. Il faut dire que cette approche qui engage les grands comptes à fort potentiel peut catalyser la performance commerciale de manière significative. Si le taux d’adoption s’envole, le ROI reste décevant. C’est en tout cas la conclusion du 1er baromètre français de l’ABM. Chronique d’une contre-performance…
De quoi l’Account-Based Marketing (ABM) est-il le nom ?
En 1993, le groupe de consulting Peppers & Rogers prédisait déjà que l’avenir de la fonction commerciale B2B était en « one to one ». La première occurrence du terme Account-Based Marketing (ABM) date de 2003 avec les travaux pionniers de l’Association des Services Marketing IT (ITSMA). Après avoir fait son chemin outre-Atlantique auprès des grands noms de la Tech, l’ABM sera évangélisé assez rapidement dans l’Hexagone.
L’Account-Based Marketing est une approche stratégique basée sur trois piliers qui le différencient de l’Inbound Marketing et des efforts Outbound classiques :
- Un contenu hyper-personnalisé, voire nominatif. En somme, les équipes produisent un contenu taillé sur mesure pour un secteur d’activité, un petit groupe de comptes cibles voire un compte en particulier;
- Un ciblage chirurgical avec des comptes triés sur le volet sur la base de leur potentiel stratégique et commercial pour l’entreprise;
- La quête de la valeur ajoutée, avec des équipes Sales et Marketing alignées et sensibilisées aux problématiques, attentes et spécificités du compte cible.
Confrontés à la réalité du terrain, les programmes ABM peinent à performer
Sur le papier, l’ABM a tout pour plaire, à fortiori dans un contexte qui voit l’émergence d’un persona de super-acheteur exigeant et ultra-informé. C’est également un levier décisif pour les entreprises qui connaissent des cycles de vente longs avec un panier moyen relativement élevé et une offre complexe. C’est pourquoi le taux d’adoption bat régulièrement ses propres records. Selon une enquête conjointement réalisée par Tech Target et HG Insights, plus de 60 % des marketeurs B2B dans le monde pratiquent une forme plus ou moins sophistiquée d’ABM.
Dans l’Hexagone, le 1er baromètre de l’Account-Based Marketing estime l’adoption à 55,3 %, un chiffre très honorable lorsque l’on connaît le décalage qui peut rythmer l’évangélisation des techniques Sales et Marketing entre le bloc « UK – USA » et la France. En revanche, et c’est sans doute le chiffre le plus marquant du baromètre, seules 30 % des entreprises françaises se disent « plus ou moins satisfaites » des résultats de leur programme ABM, avec une note de 6 sur 10.
A l’échelle mondiale, Gartner estime que 79 % des organisations commerciales ont déjà reconstruit leur programme ABM pour cause de manque de performance. « Les inquiétudes quant à la performance des programmes d’Account-Based Marketing persistent malgré des efforts constants et coûteux pour développer les grands comptes », peut-on lire dans le rapport.
Les causes de la contreperformance des programmes ABM
Gartner identifie trois frictions :
- Un biais dans la phase d’identification des comptes à cibler. Les CSO ont en effet tendance à se limiter à la taille du compte (chiffre d’affaires et effectif) et négliger des critères décisifs comme les dépenses d’investissement et l’intention d’achat. Gartner estime que les dépenses actuelles, les dépenses prévues et la taille de l’entreprise sont, dans cet ordre, les trois meilleurs critères de sélection des comptes clés dans le cadre d’un programme ABM ;
- Des équipes ABM qui manquent de ressources. « Les Key Account Managers gèrent en moyenne 7 à 8 comptes clés », explique Gartner. Cette charge de travail ne permet pas d’aller dans l’hyper-personnalisation… une approche pourtant fondatrice de l’effort ABM ;
- Des contenus peu alignés avec les attentes des comptes cibles. Selon Gartner, 84 % des Key Account Managers affirment que leurs comptes cibles ne sont pas réceptifs aux ressources fournies par l’entreprise… une performance décevante lorsque l’on sait que ces contenus ont suscité un investissement important.
Selon une étude réalisée par DemandGen, l’ABM est largement impacté par les lacunes Data et analytiques des équipes ainsi que le désalignement Sales – Marketing. De son côté, une enquête Tech Target x HG Insights estime que le succès ou l’échec d’un programme ABM se dessine dès l’étape de ciblage. « Les entreprises qui tirent leur épingle du jeu investissent massivement dans l’identification du bon profil de compte cible puis dans son activation avec des contenus et une expérience personnalisés », peut-on lire dans le rapport.
Enfin, les équipes chargées de l’ABM doivent aligner les formats proposés avec les nouvelles attentes des décideurs. Selon une enquête PYMNTS x i2c, 75 % des décisions d’achat dans le B2B sont désormais prises par des milléniaux. Cette génération biberonnée au digital plébiscite des formats « ludiques » tout en restant exigeante sur la consistance et le fond. La vidéo est d’ailleurs « une aide décisive à la prise de décision » pour 95 % des acheteurs B2B.